Faire des recherches fondamentales sur la radioactivité et étudier ses effets sur les organismes vivants : le but conjoint de l'Université de Paris et de l'Institut Pasteur permit au début du XXe siècle le croisement de deux itinéraires d'exception, celui de Marie Curie, la physicienne deux fois nobélisée, et de Claudius Regaud, l'histologiste devenu un spécialiste de l'action des radiations ionisantes sur les tissus. Ces deux chercheurs exceptionnels favoriseront l'émergence d'un modèle institutionnel associant la physico-chimie et le biomédical, qui suscitera plus tard un intérêt international. Habile expérimentateur, Regaud identifia clairement la radiosensibilité des cellules souches, mère de toutes les autres, et la latence des lésions cellulaires transmissibles aux descendants.
Visionnaire, il eut la remarquable intuition du rôle du noyau cellulaire comme cible élective des radiations et a souligné l'importance du facteur temps dans les effets de l'irradiation. Son travail d'observation et son implication amenèrent le chercheur à devenir thérapeute ; il devint par là-même le héraut d'une radiothérapie anti-cancéreuse scientifique. Co-directeur, avec Marie Curie, de l'Institut du radium (qui deviendra l'Institut Curie), Claudius Regaud a manifesté toute sa vie un intérêt militant pour les aspects sociaux, tant pour la transmission des savoirs que pour l'organisation sanitaire dans la France de l'entre-deux-guerres.