Pour traiter de la place du nu dans notre malheureuse culture, l'astuce est ainsi de partir non de l'image mais du signifiant. Puisque c'est à lui que nous devons cette pulsion à vouloir saisir, une fois le semblant tombé aux chevilles, l'objet même.
Drôle à dire : ce que nous appelons le nu est une métaphore, encore une vêture en quelque sorte, un mot à la place d'un autre qui est certes énigmatique celui-là, mais de la même étoffe. On n'en sort pas. Je m'épuise à déshabiller, encore et encore, pour trouver quoi ? L'image qui dans les bons cas me fera b…, autrement dit, rien qui soit vraiment le nu puisque l'œil collé au trou dans la toile, ce qu'il voit c'est encore de la toile, propre à servir d'écran. D'où la lassitude. Là-dessus intervient bien sûr l'imaginaire dont Lacan dit qu'il est tendu, c'est l'espace, entre les lèvres de la faille. Mais cet imaginaire est aussitôt nommé : nu, l'appelle-je en cette occurrence, signifiant qu'on peut dire minimal puisque à le diviser, j'en viens à la lettre…
Sans doute est-ce pourquoi le peintre et le poète voient dans tout paysage une femme indolente étendue. Mais elle est, comme il se doit, oubliée ou refoulée, sauf lorsque la focalisation sur son corps suscite l'appel au nu, comme émergence d'un dilemme que suscite pour nous le nu : déposer les armes devant sa beauté ou bien le b… à cause de sa faiblesse, de ce qui lui manque.
L'invention de la photographie est venue un temps brouiller les cartes en révélant le nu objectif, médical, hors fantasme, réel : du jamais vu. Comme on sait, l'habitus a vite repris le dessus. Mais le technicolor est venu le gâcher, nous laissant la nostalgie du noir et blanc et de son lien secret avec la vérité.
Et aussi des textes de Claire Brunet : Lettre à une amie psychanalyste, d'Eliette Abecassis : le nu inouï, de Jean-Marie Forget : la phobie mise à nu, de Hubert Ricard : Note sur l'aletheia, de Jorge Cacho : l'heure de la honte…